La pétanque se mue en activité de sport-santé, loin des clichés – Pascale Santi –
L’association Au devant de la boule propose des ateliers sport-santé de pétanque à l’Hôtel-Dieu et à des personnes précaires et isolées. Ses effets sur le bien-être physique et mental sont réels.
Publié le 11 mai 2022 dans Le Monde.
Ils sont cinq en ce matin d’avril à s’initier à la pétanque dans les jardins de l’hôpital parisien Hôtel-Dieu (AP-HP). Dépression, sommeil, Covid long, etc. Touchés par diverses pathologies, Annick, Eve, Taha, Sami et Stéphane se sont inscrits à cet atelier proposé par le programme de réhabilitation par le sport qu’ils suivent au centre d’investigations en médecine du sport (CIMS).
Après un bilan, chaque personne suit trois séances hebdomadaires d’activité physique pendant six semaines. « A l’issue du programme, le but est que les participants poursuivent une pratique physique régulière, afin de prolonger les bénéfices », explique Corentin Verot, enseignant en activités physiques adaptées et santé au CIMS de l’Hôtel-Dieu. Des ateliers facultatifs sont choisis par les patients pour les orienter le cas échéant vers une activité. Alors, pourquoi pas la pétanque ?
Depuis un an et demi, un atelier « biathlon pétanque » est proposé par l’association Au devant de la boule (ADB), née en juillet 2020. Au début de la séance, Yann Rousval, psychologue social et éducateur sportif au sein de l’association, contrôle les paramètres (fréquence cardiaque, saturation en oxygène, etc.) des participants. Ceux-ci s’essaient d’abord aux techniques de pointe ou de tir, qui nécessitent d’être en équilibre, en position debout ou accroupie. Puis ils doivent lancer la boule dans un cercle à deux reprises. S’ils ratent, ils parcourent un circuit, une ou deux fois, en courant, en marchant, en montant des escaliers, chacun à son rythme. « Durant le parcours, je me suis concentré sur les tirs que j’aurais à faire », explique Sami. Il les réussit. « Je me suis bien amusée », dit Eve. Idem pour Taha et les autres, qui évoquent le plaisir de « faire un sport avec des gens ».
Personnes isolées
La pétanque est en effet aussi un outil d’insertion sociale. L’association propose des ateliers à des personnes isolées et en grande précarité de trois centres du pôle « hébergement, santé, autonomie » du centre d’action sociale protestant. Cet après-midi d’avril, Emmanouil, William, Choukri, Mohamed, du centre Baron-Leroy (Paris 12e), s’entraînent, sourire aux lèvres, sur un terrain de boules le long du quai de Bercy. Qu’ils souffrent d’addictions ou qu’ils aient subi un AVC, c’est pour eux une petite parenthèse. Pour ceux qui sont « souvent très sédentaires et psychiquement grippés dans leur parcours de vie, la pétanque est un levier très efficace de remobilisation physiologique, psychosomatique et sociale », explique Yann Rousval. « Nous voulons développer la pétanque comme une pratique sportive, à des fins de santé, médico-sociales, éducatives, etc. », renchérit Sylvie Lafon-Simon, présidente d’ADB.
« Ce jeu permet d’associer la coordination et les capacités cardio-respiratoire, en ayant une gradation de l’effort » explique Patricia Thoreux, cheffe du CIMS de l’Hotel-Dieu, dans une vidéo réalisée par ADB avec l’influenceur Tanguy Penin. La pétanque permet également de renforcer l’estime de soi et des capacités cognitives comme la mémoire. Si elle est reconnue comme un sport par le ministère, sa pratique en sport-santé est en réalité peu développée. D’ailleurs, l’association ADB concède faire figure d’ »ovni » dans cet univers boulistique, plus associé au loisir.
De plus, « la pétanque est souvent victime des clichés liés à la consommation d’alcool », regrette Hélène Belli, présidente de l’Ile-de-France. Malgré cela, « la pétanque permet l’intergénérationnalité, constitue un moyen de défendre les valeurs de tolérance, et est également compatible avec le handisport, le sport adapté et le sport-santé », poursuit-elle. Pour se développer, l’association ADB se bat avec la Mairie de Paris, afin de disposer d’un espace qui lui serait réservé, ce qui permettrait de proposer des activités régulières.